29/05/2014

« Avant Tado le vrai point de départ se situe au Nigéria » dixit le Professeur Félix Iroko à propos de L’histoire migratoire d’Adja-Tado à Allada



Enseignant à l’université d’Abomey-Calavi, Félix Iroko est un professeur titulaire émérite d’histoire. Au cours de la conférence publique qu’il a donné dans le cadre du Festival de l’aire culturelle Adja-Tado étape de Dahè, dans l’enceinte de l’hôtel village club Ahémé, commune de Houéyogbé, l’homme d’histoire a révélé les origines de la plus grande aire culturelle du Bénin « Adja-Tado », les différentes ethnies qu’elle comporte et les raisons qui justifient la présence de la localité Dahè dans le déroulement de l’histoire. Votre rédaction a réservé pour vous, une bonne portion de cette histoire qu’elle vous propose de lire.

L’aire culturelle Adja-Tado

L’aire culturelle Adja-Tado, c’est la plus grande aire culturelle du Bénin. Cette aire culturelle regroupe à elle seule dix-sept (17) groupes ethniques du Bénin. Ce qui représente à peu près trente-trois pour cent (33%) de la population globale du Bénin. Cette aire culturelle est entre coupée de part et d’autres par l’aire Yoruba, va pratiquement du Sud jusqu’au centre du Bénin. Cette aire culturelle à pour foyer d’origine Tado au Togo, précisément dans la latitude d’Aplahoué. Mais avant Tado le vrai point de départ se situe au Nigéria. Le Révérend Père Berto dans les années 1940 avait été le premier à montrer les liens qui existent entre les Yoruba et le groupe Adja. La localité Adja au Nigéria est dans la banlieue de Lagos. Donc les habitants de Adja quand ils sont arrivés au Togo, les gens leur ont demandé d’où ils sont venus, et ils ont répondu « Adja » et c’est ainsi que le Nom Adja leur a été donné. Ceci est un procédé classique au Bénin, où on appelle une personne par le nom de son origine. Dans cette aire culturelle, il est fréquent qu’on appelle les gens par le nom de la localité d’où ils proviennent. A Porto-Novo par exemple si vous êtes d’Allada et vous arrivez à Porto-Novo et on vous demande qui êtes-vous? Et vous répondez « Allada », on peut vous appeler « Allada » ou « Alladanou » simplement, c’est un procédé classique. Ce point de départ se situe aux environs du XIIIème au XIVème siècle, pratiquement plus d’un demi-millénaire. Les gens sont partis d’Adja probablement pour des raisons militaires. Ils ont émigrés vers l’Ouest, arrivés à Kétou, ils ont fait une longue escale là. Une longue escale qui leur a permis de placer quelques-uns de leurs souverains sur le trône de Kétou. Peu après pour des raisons inconnues, ils sont répartis toujours plus à l’Ouest et sont arrivés à Tado. Tado (ou Sado) est considéré aujourd’hui comme le berceau des Adjas. Ce n’est qu’un berceau secondaire en réalité parce que le principal berceau se trouve au Nigéria. Tado ou Sado est devenu très tôt le capital d’un royaume très puissant. La population a augmenté rapidement, et les gens pour des raisons militaires ont éprouvé le besoin d’émigrer. Quelques groupes ont donc quitté Tado pour se réfugier vers l’Est comme s’ils retournaient encore au Nigéria. Et c’est dans ce mouvement de refuge que sont nés les dix-sept (17) groupes sociaux culturelles de cette aire culturelle là. Et c’est dans ce refuge là que Dahè a été concerné. Nous historiens, nous ne sommes pas tous d’accord entre nous. D’aucuns disent que Dahè est l’escale la plus importante et d’autres ont dit non qu’elle n’a été qu’une étape secondaire. Quelques-uns d’entre nous affirment même qu’il n’y a pas eu d’escale à Dahè.

L’histoire d’Adjahouto, le chef de la migration de Tado à Allada

Le chef de cette migration partant de Tado à Allada, s’appelle Yêgou et son deuxième nom c’est Landai. De Tado, ils sont passés par Dahè, Dedomè, Avakpa, Dekanmey, pour se retrouver à Allada.
Landai quand il est arrivé à Allada, le surnom qu’on lui a donné c’est Adjahouto (le tueur des Adjas). Parce qu’il en a beaucoup tué avant de quitter Tado et en route aussi il en a tué. Pourquoi, il en a tué, c’était pour une question de pouvoir, une question de trône. Il n’a pas pu accéder au pouvoir parce que les gens lui ont dit, tu es prince d’accord, mais tu n’es prince que du côté maternel. Hors ceux qui sont nés prince du côté paternel ont sur lui une certaine priorité. Il y a d’autres anecdotes qui racontent que c’était beaucoup plus un trône familial que le trône même de Tado. Toujours est-il qu’il a eu des altercations dans lesquelles il a tué les adjas. Craignant donc des représailles c’est- à-dire des vengeances, il a fui avec sa suite pour venir à Allada, où les gens l’ont immédiatement proclamé Roi, mais sous le nom de Adjahouto (le tueur des Adjas). Vers la fin de sa vie, il a dit à son entourage : si je meurs, il faudrait que je sois divinisé, pour que j’atteigne l’apothéose. Atteindre l’apothéose, cela veut dire en bon français devenir une divinité et donc vulgairement un fétiche. Adjahouto est donc devenu une divinité que les gens continuent d’adorer jusqu’aujourd’hui à Allada même, comme dans beaucoup d’autres régions à commencer par Dahè.

Pourquoi Dahè ?

Dahè est une société cosmopolite. Des gens sont venus de plusieurs horizons pour se rencontrer à Dahè. Dahè a été un carrefour d’une grande rencontre entre les peuples. Dahè est, une très vieille localité qui existait bien avant Sè. Puisque Sè a été fondé par Dahè. Un vrai carrefour qui a prospéré très vite au point de devenir un objet de convoitise pour beaucoup d’armées ennemies à la région. Donc, Dahè était une localité constamment menacée par les guerriers au point que Dahè était entourée d’une puissante forteresse. Et ces fortifications, ce sont des fossés profonds creusés pour entourer la localité qui ont rendu la localité inaccessible aux assaillants. Les vestiges de ces fortifications existent encore jusqu’aujourd’hui. La principale divinité protectrice de la localité de Dahè s’appelle Dida. Le nom de la localité est issu du nom de la divinité parce que les gens quand ils arrivent d’ailleurs, ils disent qu’ils vont à Didahoué, ce qui est devenu par déformation Dahè. La divinité Dida est importante d’une part parce qu’elle protège la localité. D’autre part, elle est d’une grande importance linguistique. A Dahè, il y a des XWLAS qui sont venus d’agbanakin au Togo, ils sont les plus nombreux à Dahè aujourd’hui. En plus des XWLAS, il y a des Xwédas, qui sont venus du quartier Tovè de Ouidah. Il y a aussi quelques Sahouè très peu nombreux. Ce n’est que par la suite que les gens d’Allada sont venus à Dahè. On les appelle les Alladanous.

Les dix-sept (17) ethnies de l’aire culturelle Adja-Tado

Les fon, kotafon de Lokossa, les Sahouè, watchi, xwla, xwéda du Ouidah, les tchi des terres noires vers Abomey, les tolinous, les tofinous, adjranous, les Aïzo d’Allada, sètonou, les mahi de Savalou, xwémènous de Xwémè, les defi de Djèrègbé, adjas, les gouns de Porto-Novo.
Propos recueillis et transcrits par Fidèle KENOU






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