Enseignant à
l’université d’Abomey-Calavi, Félix Iroko est un professeur titulaire émérite
d’histoire. Au cours de la conférence publique qu’il a donné dans le cadre du
Festival de l’aire culturelle Adja-Tado étape de Dahè, dans l’enceinte de
l’hôtel village club Ahémé, commune de Houéyogbé, l’homme d’histoire a révélé
les origines de la plus grande aire culturelle du Bénin
« Adja-Tado », les différentes ethnies qu’elle comporte et les
raisons qui justifient la présence de la localité Dahè dans le déroulement de
l’histoire. Votre rédaction a réservé pour vous, une bonne portion de cette
histoire qu’elle vous propose de lire.
L’aire culturelle Adja-Tado
L’aire culturelle
Adja-Tado, c’est la plus grande aire culturelle du Bénin. Cette aire culturelle
regroupe à elle seule dix-sept (17) groupes ethniques du Bénin. Ce qui
représente à peu près trente-trois pour cent (33%) de la population globale du
Bénin. Cette aire culturelle est entre coupée de part et d’autres par l’aire Yoruba,
va pratiquement du Sud jusqu’au centre du Bénin. Cette aire culturelle à pour foyer
d’origine Tado au Togo, précisément dans la latitude d’Aplahoué. Mais avant
Tado le vrai point de départ se situe au Nigéria. Le Révérend Père Berto dans
les années 1940 avait été le premier à montrer les liens qui existent entre les
Yoruba et le groupe Adja. La localité Adja au Nigéria est dans la banlieue de
Lagos. Donc les habitants de Adja quand ils sont arrivés au Togo, les gens leur
ont demandé d’où ils sont venus, et ils ont répondu « Adja » et c’est
ainsi que le Nom Adja leur a été donné. Ceci est un procédé classique au Bénin,
où on appelle une personne par le nom de son origine. Dans cette aire
culturelle, il est fréquent qu’on appelle les gens par le nom de la localité
d’où ils proviennent. A Porto-Novo par exemple si vous êtes d’Allada et vous
arrivez à Porto-Novo et on vous demande qui êtes-vous? Et vous répondez
« Allada », on peut vous appeler « Allada » ou
« Alladanou » simplement, c’est un procédé classique. Ce point de
départ se situe aux environs du XIIIème au XIVème siècle,
pratiquement plus d’un demi-millénaire. Les gens sont partis d’Adja probablement
pour des raisons militaires. Ils ont émigrés vers l’Ouest, arrivés à Kétou, ils
ont fait une longue escale là. Une longue escale qui leur a permis de placer
quelques-uns de leurs souverains sur le trône de Kétou. Peu après pour des
raisons inconnues, ils sont répartis toujours plus à l’Ouest et sont arrivés à
Tado. Tado (ou Sado) est considéré aujourd’hui comme le berceau des Adjas. Ce
n’est qu’un berceau secondaire en réalité parce que le principal berceau se
trouve au Nigéria. Tado ou Sado est devenu très tôt le capital d’un royaume
très puissant. La population a augmenté rapidement, et les gens pour des
raisons militaires ont éprouvé le besoin d’émigrer. Quelques groupes ont donc
quitté Tado pour se réfugier vers l’Est comme s’ils retournaient encore au
Nigéria. Et c’est dans ce mouvement de refuge que sont nés les dix-sept (17)
groupes sociaux culturelles de cette aire culturelle là. Et c’est dans ce
refuge là que Dahè a été concerné. Nous historiens, nous ne sommes pas tous
d’accord entre nous. D’aucuns disent que Dahè est l’escale la plus importante
et d’autres ont dit non qu’elle n’a été qu’une étape secondaire. Quelques-uns
d’entre nous affirment même qu’il n’y a pas eu d’escale à Dahè.
L’histoire d’Adjahouto, le chef de la migration de Tado à Allada
Le chef de cette
migration partant de Tado à Allada, s’appelle Yêgou et son deuxième nom c’est
Landai. De Tado, ils sont passés par Dahè, Dedomè, Avakpa, Dekanmey, pour se
retrouver à Allada.
Landai quand il est
arrivé à Allada, le surnom qu’on lui a donné c’est Adjahouto (le tueur des
Adjas). Parce qu’il en a beaucoup tué avant de quitter Tado et en route aussi
il en a tué. Pourquoi, il en a tué, c’était pour une question de pouvoir, une
question de trône. Il n’a pas pu accéder au pouvoir parce que les gens lui ont
dit, tu es prince d’accord, mais tu n’es prince que du côté maternel. Hors ceux
qui sont nés prince du côté paternel ont sur lui une certaine priorité. Il y a d’autres
anecdotes qui racontent que c’était beaucoup plus un trône familial que le
trône même de Tado. Toujours est-il qu’il a eu des altercations dans lesquelles
il a tué les adjas. Craignant donc des représailles c’est- à-dire des
vengeances, il a fui avec sa suite pour venir à Allada, où les gens l’ont
immédiatement proclamé Roi, mais sous le nom de Adjahouto (le tueur des Adjas).
Vers la fin de sa vie, il a dit à son entourage : si je meurs, il faudrait
que je sois divinisé, pour que j’atteigne l’apothéose. Atteindre l’apothéose,
cela veut dire en bon français devenir une divinité et donc vulgairement un
fétiche. Adjahouto est donc devenu une divinité que les gens continuent d’adorer
jusqu’aujourd’hui à Allada même, comme dans beaucoup d’autres régions à
commencer par Dahè.
Pourquoi Dahè ?
Dahè est une
société cosmopolite. Des gens sont venus de plusieurs horizons pour se
rencontrer à Dahè. Dahè a été un carrefour d’une grande rencontre entre les
peuples. Dahè est, une très vieille localité qui existait bien avant Sè. Puisque
Sè a été fondé par Dahè. Un vrai carrefour qui a prospéré très vite au point de
devenir un objet de convoitise pour beaucoup d’armées ennemies à la région.
Donc, Dahè était une localité constamment menacée par les guerriers au point
que Dahè était entourée d’une puissante forteresse. Et ces fortifications, ce
sont des fossés profonds creusés pour entourer la localité qui ont rendu la
localité inaccessible aux assaillants. Les vestiges de ces fortifications
existent encore jusqu’aujourd’hui. La principale divinité protectrice de la
localité de Dahè s’appelle Dida. Le nom de la localité est issu du nom de la
divinité parce que les gens quand ils arrivent d’ailleurs, ils disent qu’ils
vont à Didahoué, ce qui est devenu par déformation Dahè. La divinité Dida est
importante d’une part parce qu’elle protège la localité. D’autre part, elle est
d’une grande importance linguistique. A Dahè, il y a des XWLAS qui sont venus
d’agbanakin au Togo, ils sont les plus nombreux à Dahè aujourd’hui. En plus des
XWLAS, il y a des Xwédas, qui sont venus du quartier Tovè de Ouidah. Il y a
aussi quelques Sahouè très peu nombreux. Ce n’est que par la suite que les gens
d’Allada sont venus à Dahè. On les appelle les Alladanous.
Les dix-sept (17) ethnies de l’aire culturelle Adja-Tado
Les fon, kotafon de
Lokossa, les Sahouè, watchi, xwla, xwéda du Ouidah, les tchi des terres noires
vers Abomey, les tolinous, les tofinous, adjranous, les Aïzo d’Allada, sètonou,
les mahi de Savalou, xwémènous de Xwémè, les defi de Djèrègbé, adjas, les gouns
de Porto-Novo.
Propos
recueillis et transcrits par Fidèle KENOU
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