Au-delà de cette définition, il
importe de retenir que ce qui importe, c’est ce qu’on veut faire de la carte,
de ce précieux outil de prise de décision. La carte permet d’avoir une vue
claire, synthétique, de la réalité des phénomènes localisables dans l’espace.
Dessiner la carte universitaire, c’est offrir aux décideurs une vue synthétique
pour faciliter la prise de décision éclairée.
Dans le cas d’espèce, la
géographie, ça doit servir à rapprocher les prestations des bénéficiaires, et
non le contraire. Or à quoi assiste-ton ?
La nouvelle carte universitaire
du Bénin, ‘’savamment’’ élaborée dans les bureaux du ministère de
l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, éloignera les
prestations universitaires des bénéficiaires que sont les étudiants.
De la sorte elle fera tout le
contraire de ce qui est préconisé ou clamé sur toutes les ondes. Mais la
démagogie ne passera pas. Les peuples savent de plus en plus où se trouvent
leurs intérêts et qu’est-ce qui leur convient. À bas les ‘’élites trompeuses’’
qui, sous le couvert de la défense des peuples, ne pensent qu’à leurs intérêts
égoïstes.
Ces messieurs s’imaginent
peut-être qu’en dehors d’eux, nul autre ne connait la cartographie. Qu’elle est
donc cette carte sans échelle ? En bon cartographe, ils doivent savoir qu’une
carte sans échelle est illisible, et donc n’a pas de valeur. À quelle échelle
se situe leur carte universitaire ? Quelle est donc cette carte qui fait
abstraction des réalités du terrain des usagers ?
Le nouveau décret de carte
universitaire du Bénin crée, entre autres, l’université nationale thématique
d’agriculture de Porto-Novo. Un véritable bluff provocateur!
Lorsqu’on lit cette carte, force
est de constater qu’il s’agit d’une œuvre de génie, réalisée par une équipe de
génies géographiques et cartographiques, tellement doués qu’ils en sont convaincus
que tous les lecteurs adhèreront à leur projet les yeux fermés, que dis-je, un
chef-d’œuvre tellement génial que ses concepteurs sont persuadés qu’en dehors
de leurs intelligences, toutes les autres ne peuvent qu’être inférieures. À
moins que...
Les experts cartographes
regroupés autour de la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche
scientifique, enfermés dans leurs bulles et ou nuages de points, n’ont pas vu
ou pu voir la réalité terrestre des apprenants venant de tous les horizons géographiques
béninois et d’autres régions du continent...
À quoi assistons-nous dans le cas
de l’Université nationale d’agriculture de Porto-Novo ? À l’inverse de la
réorganisation, on a affaire à la désorganisation des structures existantes,
d’une part et de l’autre, à des déménagements institutionnels. Il faut plaindre
le prochain recteur de l’UNA/PN, car il devra veiller, depuis son rectorat
(qu’il reste à construire dans on ne peut dire combien d’années) sur des
instituts et facultés situés à plus de 600 – 700 km de lui. Drôle de manière de
rapprocher les prestations universitaire des étudiants, qui consiste à les en
éloigner, pour les amener à affronter des embouteillages, beaucoup de stress,
subir des va et vient car les prestations desquelles nous parlons, comme tous
les usagers le savent par expérience, ne s’obtiennent presque jamais du premier
coup, connaissant la grande diligence de nos administrations en général.
Il faut plaindre davantage encore
les apprenants, pardon les étudiants de Djougou, Kandi et autre Gogounou qui se
verront bien obligés de parcourir la bagatelle de 600 km de distance pour venir
quêter des prestations que leur offrira le rectorat dont dépendra leur
institution! Misère. Que signifie pour ses pauvres hères la restructuration nouvelle
formule ? qu’ils devront dépenser les maigres ressources mis chichement à leur
disposition par leurs parents pour aller chercher des prestations dont ils
peuvent être assurés qu’ils ne les obtiendront pas le même jour, connaissant le
rythme de fonctionnement des administrations béninoises, dont celle de nos
universités nationales.
Mais la restructuration ainsi
décidée, semble poser plus de problèmes qu’elle n’en résout.
• Elle
ne résout nullement le problème du rapprochement des usagers du service, bien
au contraire.
• Un
des projets poursuivis par toute réforme administrative en général, et celle-ci
en particulier.
Les étudiants de la Flash – Adjarra,
ceux de l’INJEPS comme ceux de l’ISMSP de Dangbo se verront de nouveau obligés
de faire le trajet jusqu’à Abomey-Calavi, soit environ 80 km en moyenne pour
faire face à leurs prestations académiques. Ceux de l’ENS une distance moindre,
mais pas moins de 60 km tout de même !
Et puis il y a les coûts y afférents, en moyenne 3 000 F à 5 000 F
à chaque déplacement ! Drôle de manière de rapprocher les prestations des
usagers, vous en conviendrez, n’est-ce pas ?
Dans cette opération de
restructuration de la carte universitaire, la variable spatiale aurait dû être
le critère basique pour ne pas aboutir au résultat contraire ou tout le moins à
un résultat autre que celui qui était recherché.
Qu’on se souvienne de l’un des
critères fondamentaux qui ont présidé au choix des six nouveaux chefs-lieux de
départements ! N’est-ce pas bien la centralité des villes ? Ici également il
aurait fallu en appeler sinon à la science géographique, tout au moins à la
dimension spatiale.
Alors qu’on croyait gagnée la
bataille pour l’érection d’une université à Porto-Novo, voilà que le
gouvernement de la rupture prive cette ville et, par la même occasion, la
dépouille des entités universitaires situées sur sa terre et ses environs. Du
coup, Porto-Novo a droit à (et se trouve confinée dans) une situation
totalement inédite, jamais usitée nulle part au monde.
Ainsi opère le génie de nos
surdoués en cartographie universitaire!
À travers mes séjours d’étude et
d’enseignement sur trois continents (Afrique, Europe, Amérique), à travers mes
lectures et recherches à travers tous les centres et organes de documentation,
je n’ai pas réussi à dénicher un monstre comparable à celui qu’on tente de nous
faire accepter en guise d’université dite nationale d’agriculture de
Porto-Novo. Ces messieurs-là feraient sans doute mieux de mettre leurs énergies
au service du bien, au service du développement national à travers le
développement harmonieux de toutes les entités régionales qui constituent les
réalités sociales et culturelles du pays, plutôt que de s’époumoner à vouloir
retarder coûte que coûte une partie du territoire national. N’en déplaise à nos
supers concepteurs, dans le monde contemporain, la tendance la plus forte est à
la création d’universités à l’échelle humaine, de préférence aux mastodontes
ingérables, sources de toutes sortes de difficultés.
La tendance lourde est à la
constitution d’universités éclatées sur plusieurs campus.
Si nous nous en référons à la
situation qui a prévalu au Canada dans les années 1970, c’est bien une telle
politique universitaire qui a été mis en œuvre dans la province francophone du Québec,
avec son réseau des 10 universités ou établissements du Québec judicieusement
distribués sur l’ensemble du territoire provincial. Une province de1 667 441
km2vaste comme 14 ½ fois le Bénin. On a ainsi :
• Université
du Québec à Rimouski (UQAR),
• Université
du Québec à Trois-Rivières (UQATR),
• Université
du Québec à Hull (UQAH),
• Université
du Québec à Chicoutimi (UQAC),
• Université
du Québec à Montréal (UQAM),
• Université
du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT),
• Université
du Québec en Outaouais (UQO),
• Institut
national de la recherche scientifique (INRS),
• École
de technologie supérieure (ÉTS),
• Téluq
(Télé Université),
• École
nationale d’administration publique dans la capitale provinciale Québec.
Cette politique de
régionalisation des universités du Québec a eu d’énormes effets induits en
termes de rapprochement de l’enseignement supérieur des usagers ; en termes de
création/renforcement des pôles de développement ; en termes…
En France c’est la même
philosophie d’écartement/desserrement des universités qui a été mise en œuvre
après mai 68, notamment avec la dislocation de l’ancienne Université de Paris,
devenue un mastodonte ingérable.
Elle enfantera douze nouvelles
universités, dont presque la moitié en région parisienne (Paris 8 à Paris 12)
et plus tard Paris 13, également en région. Les 7 premières étant conservées
dans le Paris intra muros.
Les universités américaines les
plus prestigieuses et en même temps les plus riches ne sont pas des mastodontes
en termes d’effectifs. Que ce soit Harvard, MIT, Yale, etc., aucune n’a jamais
enregistré des effectifs pléthoriques. Le MIT, ce n’est que 10 894 étudiants
pour 1 030 enseignants et Harvard 20 042 étudiants, Stanford, c’est 14 890
étudiants, Yale, 12 312 (2015) étudiants, New York, l’université la plus
populeuse, ne fait que 58 547 étudiants, d’après les statistiques recueillies
sur Google.
Telle est la règle générale dans
le monde. Les universités américaines de l’Ivy League sont un groupe de huit universités privées du
nord-est des États-Unis, qui figurent parmi les plus anciennes (sept ont été
fondées par les Britanniques avant l'indépendance) et les plus prestigieuses du
pays. Prenez Oxford (22 348, 2014), Cambridge (19 515, 2014), en Grande
Bretagne, ou encore toutes les prestigieuses universités suisses, que sais-je
encore ? En comparaison avec l’UAC qui frôle probablement les 90 000 et qui ne
tardera pas, au rythme de la nouvelle restructuration, à franchir la barre des
100 000 étudiants!
Il serait bon de rappeler à nos
maitres concepteurs de la nouvelle carte universitaire, que ce n’est pas la
trop forte massification des effectifs qui fait la qualité de l’enseignement
supérieur. Certes il y a un seuil critique en dessous duquel des économies
d’échelle ne sauraient être envisagées. Mais les départements de l’Ouémé et du
Plateau qui comptent respectivement 1 100 404 et 622 372 habitants , sont
nettement en mesure de nourrir de telles ambitions. À titre d’exemple
l’immeuble abritant les services du rectorat de l’université de Porto-Novo, pas
celle d’agriculture, a été pris en bail par l’association Task Force avec le
soutien financier combien appréciable de sympathisants.
Impossible, dès lors, de ne point
esquisser de rapprochement entre le sort de la capitale du Bénin Porto-Novo, et
la situation actuelle de ville universitaire inédite que s’évertue à imposer
aux peuples de l’Ouémé et du Plateau, le gouvernement.